Du privilège d'être blanc en Corée du Sud : "Apprentissage de la langue" (épisode 1/5)

Publié le par Nicolas

Cette série d'articles comporte 5 volets qui seront publiés chaque dimanche à 11h du 3 au 31 mai 2020. Elle fera aussi l'objet d'une lecture par l'auteur sur le podcast De la friture sur les ondes dans le courant du mois de mai.

Note de Joohee, co-éditrice du blog :

Parce que le racisme concerne tout le monde, y compris ceux et celles qui en bénéficient. Voici le premier épisode d'un témoignage à la 1ère personne d'un homme blanc, mon compagnon. Moi qui ai l'habitude de parler à la 1ère personne dans un processus d'empowerment mais aussi de résistance par rapport à toutes ces années où ma parole a été réduite au silence, j'ai accepté dans ce récit d'être évoquée à la 3e personne. Pourquoi? Parce que les privilèges qui sont la norme ne se révèlent qu'en transparence et/ou en confrontation avec les expériences des racisé.es.

Une partie de l'affiche du film A taxi driver, sorti en Corée du Sud en 2017.

Une partie de l'affiche du film A taxi driver, sorti en Corée du Sud en 2017.

Je suis un homme blanc, cisgenre, hétérosexuel de nationalité française. Entre septembre 2013 et mars 2015, j'ai vécu en Corée du Sud avec ma compagne, adoptée française d'origine sud-coréenne, qui a fait en sorte de pouvoir retourner  vivre pour une courte durée, dans le pays qui l'a vu naître. J'ai donc été ce que l'on appelle un "expatrié", puisque c'est ainsi que l'on nomme les Blancs qui émigrent.

A travers ces anecdotes compilées de manière rétrospective, je ne cherche évidemment pas à culpabiliser qui que ce soit, ni même à me confesser. J'ai un souvenir mémorable de ces 17 mois passés en Corée du Sud et nous prévoyons d'y retourner à l'avenir. Néanmoins, si 5 ans après ce séjour, autant de situations sont demeurées aussi nettes dans mon esprit, c'est que quelque part, je ne pouvais pas refouler leur signification. Je pense qu'il est plus utile de les coucher sur le papier, non pas pour que je puisse oublier, mais par souci d'honnêteté. Je pense que les personnes racisées méritent de savoir ce dont les Blancs bénéficient lorsqu'ils voyagent à étranger, et au-delà, ce qu'ils ont en tête, ne serait-ce que pour étayer leurs revendications d'égalité. En la matière, ma conviction personnelle est que la majorité des Blancs savent, de manière au moins instinctive, qu'ils profitent du prestige que leur confère leur nationalité lorsqu'ils voyagent. Ce prestige est renforcé par le privilège de leur couleur de peau quand ils ont la chance d'être blancs.


Introduction : sur la question du privilège et de la légitimité
 

Quelques jours avant notre départ, mon frère m'a pris à parti au cours d'un repas en famille :
- « Qu'est-ce que tu vas aller faire en Corée, alors que tu es blanc ? ». Cette remarque, prononcée sur un ton inquisiteur m'a laissé pantois. Mon frère n'attendait pas une réponse, il attendait une justification. Et j'avais intérêt à être convaincant. Joohee était assise autour de la table. Indirectement, elle aussi était visée par cette remarque.  Et cela a dû être aussi violent pour elle que de l'entendre me sermonner sur un choix qu'elle avait effectué pour nous deux, à savoir, faire en sorte que je l'accompagne dans ce voyage si capital à ses yeux. Ce dont mon frère ne se rendait pas compte, c'est qu'en voulant m'alerter sur ma légitimité à séjourner dans un pays non-occidental, il avait rejoué le dialogue entre hommes blancs. Il s'était réservé le rôle du Blanc « conscient » des enjeux liés à la race, faisant la leçon à l'autre. Et ce faisant, il avait occulté Joohee, comme les Blancs occultent souvent les premiers concernés. Je n'ai pas su quoi répondre sur le coup, parce que je ne faisais alors qu'effleurer toutes ces questions. Avec le recul, je pense que j'aurais dû lui rétorquer :
- « Ce n'est pas à toi de décider si je suis légitime ou non à séjourner en Corée. C'est à Joohee de décider ».


Le privilège d'être blanc lorsque l'on vit en Corée du Sud est néanmoins une chose bien réelle. Et à vrai dire, il a même pu mettre à l'épreuve la solidarité de notre couple. Durant notre séjour, Joohee a dû parfois redoubler d'efforts pour m'expliquer ce qu'elle ressentait et que je ne voyais pas, alors qu'elle était venue en Corée du Sud pour renouer avec une partie de son identité et que nous étions là pour elle. Flagrant, à certains égards, mon privilège blanc s'est avéré plus insidieux à d'autres moments, laissant ouvert tout le spectre des interprétations divergentes entre Joohee et moi -et donc aussi au déni de ma part et aux prises de bec consécutives. Quand on a été toute sa vie durant éduqué à croire en notre valeur intrinsèque et en notre bon droit, il n'y a pas besoin de beaucoup de mauvaise foi pour confondre ce qu'on hérite avec ce qu'on mérite.

Ce récit tout entier repose sur le privilège fondamental de pouvoir voyager librement et de pouvoir s'expatrier comme bon nous semble (possibilité dont une majorité de terriens est dépourvue mais dont une majorité d'occidentaux est dotée). Il est clair que personne ne m'a amené en Corée du Sud contre mon gré et qu'il convient donc de noter d'emblée que j'ai fait le choix d'activer ce privilège pour tout un faisceau de raisons que le lecteur devine être liées à mon couple. Je n'ai pas besoin que l'on valide ce choix. Je me contenterai d'en décrire quelques conséquences et notamment les paradoxes, voire les contradictions, auxquelles il a fallu remédier bon an mal an. Entre ma présence effective, d'une part, ce que je percevais maladroitement de privilèges liés à ma race sociale de l'autre, et ce que je pouvais bien me raconter à moi-même pour tenter de concilier les deux, le lecteur devinera la nécessité du travail de couturier. Reste à savoir si les coutures ne sont pas trop grossières.

Cet article aurait dû être écrit beaucoup plus tôt, faute de quoi, cinq années après notre retour, il ne peut être reconstitué qu'à partir de souvenirs que j'espère suffisamment probants. J'ai essayé de regrouper mes expériences par thème, de manière à en rendre la lecture plus intelligible. Néanmoins, il y a encore des anecdotes significatives que je n'ai pas réussi à replacer dans ce récit. Avant de s'y plonger, il faut, je pense, tout de suite préciser que le privilège blanc ne s'active pas uniquement lorsque nous voyageons à l'étranger. Il s'exprime aussi en France, sur une base quotidienne (que l'on pense à la composition des instances de pouvoir ou, à l'autre bout du spectre de la race, à la couleur de peau des victimes de la police). Néanmoins, dans mon expérience personnelle, ce voyage a été un révélateur de son existence tangible et incontestable.


Épisode 1 : l'apprentissage de la langue


Nous sommes arrivés en Corée du Sud 8 jours avant le début du semestre de coréen auquel nous nous étions inscrits avant de venir. Avant le début des cours, l'université de KyungHee avait procédé comme toutes les autres, en organisant un placement test c'est-à-dire un test de niveau sous forme de QCM pour évaluer nos compétences et dans quel groupe de niveau nous placer à la rentrée. Il est évident que nous partions de presque rien en ce qui concerne la maîtrise du coréen. Nous avions bien pris quelques cours particuliers avant de partir, mais cela nous suffisait à peine à déchiffrer l'alphabet. Nous n'avons pas répondu à beaucoup de questions et j'ai même triché sur Joohee pour retrouver le mot 화장실, qui signifie toilettes. Le QCM était suivi d'un entretien en face à face avec un professeur. Celui-ci non plus n'a pas duré longtemps. Néanmoins, l'évaluateur en face de moi, extrêmement bienveillant, a tenté de me faire déchiffrer, syllabe par syllabe les mots qui étaient écrits en haut de sa grille d'évaluation et que je ne comprenais évidemment pas. Cela a été semble-t-il suffisant pour que Joohee et moi soyons placés dans deux groupes d'étude différents. J'avais été placé dans un groupe de débutants, évidemment, mais Joohee avait semble-t-il était placée dans un groupe de « grands débutants ». C'est-à-dire que ses professeurs se sont contentés de faire de l'alphabet pendant 15 jours, alors que mon groupe avançait plus rapidement sur les points de grammaire. Lorsque nous nous retrouvions durant les pauses, Joohee vivait assez mal ce décalage dans nos progressions respectives.
 

La maîtrise de la langue renvoyait à des enjeux symboliques de première importance pour Joohee. En l'absence de lien familial sur le sol coréen, il s'agissait de la première entrée pour recoller les morceaux de son identité hybride et pour accéder au reste : culture, histoire, capacité à se projeter en Corée dans le temps long, à interagir et à être reconnue « comme une coréenne ». Une coréenne de la diaspora, certes, mais une coréenne quand même, au moins en partie. Elle explique souvent que l'une de ses appréhensions principales pendant la durée de notre séjour était de lire la déception sur le visage des gens qui l'interpellaient dans la rue, lorsqu'elle tentait d'articuler quelques mots en coréen et qu'ils s'apercevaient alors du décalage entre son apparence et sa méconnaissance de la langue. Dans de nombreuses situations, à la caisse des supermarchés notamment, elle m'agrippait le bras comme pour signifier ostensiblement : « regardez, je suis avec un Blanc, je suis étrangère ». J'étais un moyen de conjurer ce décalage, de temporiser.
 

Tour à tour soutien et concurrent

Mais j'étais aussi à d'autres moments la source d'une frustration et d'un manque de confiance préjudiciable. Quand Joohee articulait quelques mots de coréen, elle obtenait au mieux de l'indifférence, au pire des silences qu'elle interprétait comme des messages du style « étant donnée ton apparence, tu devrais parler mieux coréen ». Mais à l'inverse, quand je m'essayais à mon tour à balbutier quelques mots –en massacrant au passage la prononciation des mots- j'obtenais des encouragements, des remarques extasiées, venant récompenser mon intérêt et mes efforts pour maîtriser « leur » langue. A mon avis, j'ai bénéficié indirectement de la médiocrité des Blancs vivant en Corée dans la maîtrise de la langue. Les quartiers fréquentés par les Blancs sont remplis d'étudiants américains qui ne font pas le moindre effort pour apprendre le coréen et qui, sûrs du rayonnement de la langue de Shakespeare, continuent de parler l'anglais pendant la durée de leur séjour. Dans le quartier international d'Itaewon où nous avons pris des cours du soir, nous avons également rencontré des épouses de chefs d'entreprise qui venaient apprendre le coréen pour tromper leur ennui de femmes riches et dont la nullité était affligeante. Sans doute parce qu'elles n'accordaient pas beaucoup de valeur symbolique à la maîtrise de cette langue ou parce qu'elles n'avaient jamais appris aucune autre langue que la leur (1). Toujours est-il qu'en ce qui me concerne, étant blanc, j'avais le droit d'être valorisé pour les efforts que j'avais entrepris dans la maîtrise du coréen, ce qui n'était pas la cas de Joohee. Un jour, cet état de fait a atteint un point caricatural. En entrant dans une boulangerie, nous avons acheté du pain. Nous l'avons mis sur le comptoir (les achats se faisaient en libre service) et j'ai déposé l'argent sur le comptoir. La caissière a alors dit : “한국어를 잘합니다” ce qui veut dire : « tu parles bien coréen ». J'étais réellement flatté. Ce n'est qu'en sortant de la boulangerie que Joohee m'a fait remarquer que je n'avais pourtant pas prononcé le moindre mot.

Il aurait été plus juste que Joohee bénéficie a minima du même niveau de rétribution symbolique que moi. Elle est française comme moi, et d'un point de vue des compétences linguistiques, elle était partie de rien, comme moi. Mais au contraire de moi, elle avait eu de surcroît à déployer du courage et de la détermination pour entreprendre ce voyage. Pas seulement pour l'entreprendre d'ailleurs. Pour s'y maintenir également et se faire une place, en tentant de résoudre ses problématiques avec l'aide de la diaspora des adopté-es et de quelques soutiens. Il est à peine croyable que nous ayons eu à rappeler ces évidences aux personnes que nous rencontrions, tellement l'alignement entre race et nationalité était évident à leurs yeux : non, Joohee ne maîtrisait aucune base de coréen avant de venir. Cette situation semblait d'autant plus injuste que c'est le même type de raccourci qui prévaut en France et qui, toute leur vie durant, fait peser des doutes quant à la "francité" des personnes racisé-es. Une double invisibilité qui entraîne une double absence de reconnaissance.

A cause de tout cela, dans les premières semaines de notre séjour, les tentations de faire demi-tour et de retourner en France ont été nombreuses. A l'inverse, je crois que l'une des prérogatives de l'homme blanc est de se sentir à l'aise et légitime partout où il voyage.

Ce grand confort psychologique a pu indirectement déstabiliser Joohee qui, elle, n'en était pas bénéficiaire. Pire, celle-ci m'a régulièrement fait part du sentiment de compétition ressenti durant le séjour, entre elle et moi. Ce sentiment de compétition entraînait chez elle de l'insécurité. C'est qu'elle avait intériorisé l'injonction qui lui était faite (et qui m'échappait totalement) : « tu dois parler mieux que le Blanc ». Quelle pression ! Tout cela m'était étranger à moi, clairement identifié comme un étranger. A partir de ce point, tout ce que je pouvais entreprendre était sans équivoque, mis à mon crédit, renforçant ma confiance en moi et ma croyance dans le fait d'être un bon élève « ayant des facilités », avec de surcroît le supplément d'âme d'être « le chic type qui accompagne sa compagne adoptée en Corée » (une phrase que j'ai souvent entendu en France comme en Corée du Sud, et qui ne correspond pas du tout à l'état d'esprit dans lequel nous étions). Quand on sait à quel point la confiance en soi est fondamentale dans un processus d'apprentissage (et à quel point il s'agit d'une force inégalement répartie dans la société patriarcale), on imagine à quel point Joohee, au contraire, a dû être déstabilisée par ces injonctions multiples.


Je me souviens également qu'à la fin de notre unique trimestre à l'université, les étudiants recevaient une mention s'ils obtenaient une moyenne de 90/100 aux épreuves. Je me souviens l'avoir eu de justesse alors que Joohee l'a manqué de justesse. L'épreuve d'oral avait fait la différence. J'avais tiré un sujet facile et sans avoir eu l'impression d'avoir réellement réussi, j'avais obtenu une excellente note. Dépitée, Joohee avait postulé, sans doute à raison, que de baragouiner quelques mots de coréen quand on est un homme blanc rapporte plus de point que lorsqu'on est une femme asiatique.


Fin de la première partie.

Accéder à la deuxième partie : "Handsome boy!" 



(1) [EDIT du 6 mai 2020] : en découvrant ce passage un ami m'a fait remarquer que j'étais sans doute en train d'essayer de me distinguer des autres Blancs que j'ai pu croiser en Corée pour me construire une légitimité propre à pouvoir y séjourner. Il est possible en effet que ces alter-ego Blancs, que je regarde de haut, ne faisaient en fait que me tendre un miroir...


[EDIT du 6 MAI 2020] - Modifications du texte initial suite aux remarques faites par quelques proches :
- ajout de la note en exergue de Joohee, co-éditrice du blog.
- ajout d'un paragraphe dans l'introduction "ce récit tout entier repose..." : clarification du fait que le privilège premier est bien celui de pouvoir voyager, que j'en ai fait usage et que cette série d'articles ne cherche pas à résoudre le dilemme moral du recours à ce privilège.
- ajout de la phrase "Cette situation semblait d'autant plus injuste que c'est le même type de raccourci qui prévaut en France..."
- ajout de la mention entre parenthèses "et à quel point la confiance en soi est une force inégalement répartie dans la société patriarcale" dans l'avant-dernier paragraphe.
- suppression de la note de bas de page sur "la culpabilité de la société coréenne dans la non prise en compte des problématiques des adopté-es" => risque d'effacement de la dimension impérialiste de l'adoption internationale.

Publié dans Feux croisés

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N
Quand à la langue, n'est-ce pas un problème autre que la couleur de peau, mais simplement le fait de se dire "cette personne est du même peuple" ?<br /> Car on peut voir en France, que quel que soit la personne, étranger(e) ou non, on va lui parler d'abord en Français, puis se rendre compte que la personne ne parle pas la langue, et commencer à begayer en Anglais (du moins pour ceux qui ne le parle pas, et il y en a bcp), même parfois en rouspétant que la personne ne parle pas Français<br /> On va avoir plus tendance a apprécier le fait qu'une personne asiatique, parle français, et donc, à féliciter. (du fait que la langue française soit moins répandue dans ces zones peut être? corrigez moi si je me trompe)<br /> Qu'à apprécier qu'un Anglais ou un Espagnol parle la langue de molière, où l'on pourrait plus aisément se dire que ce sont nos voisins il est plus normal qu'ils parlent celle çi<br /> En cette condition le privilège blanc n'est-il pas la chance d'être dans un pays quasi non multiethnique? Ou donc nous sommes directement catégorisé comme étranger "lointain" (ou US), a l'inverse des personnes asiatiques?
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N
La simple lecture de votre première phrase me pose problème politiquement car il sous-entend un alignement entre la race et l'appartenance à un peuple. On le lit aussi plus loin dans votre commentaire : on part généralement du principe qu'une personne asiatique que l'on croise en France ne peut pas être française, et c'est problématique dans une société multi-raciale comme la nôtre. Ensuite, ce premier volet se déroule dans le cadre de l'Université où il n'y a par définition que des apprenants, donc rien ne justifie le fait que j'ai bénéficié de davantage de feedbacks positifs.
B
Bonjour, je viens de lire cet article et pour avoir partager avec vous une partie de cette première année en Corée notamment à l'université, je vous rejoins totalement sur la partie être blanc en Corée et je comprends totalement le sentiment de Joohee. De nombreuses fois, un simple bonjour dans la langue du Pays du matin calme nous ouvrait les portes à tout sorte de compliment du fait de notre couleur de peau. J'ai vécu une belle aventure de vie plus solitaire dans Séoul et peu à peu j'oubliais que j'étais blanc en Corée avec néanmoins de petites piqures de rappel généralement des enfants coréens qui me comparaient à leur professeur d'anglais étrangers de leurs académies. J'ai apprécié sans le savoir de susciter dans la rue une certaine curiosité et dont je n'ai mesuré l'importance que lors de mon retour en France avec ce sentiment étrange d'être devenu ''invisible''. Ce sentiment au retour de France comme vous l'écrivez dans cet article permet de mieux comprendre les sentiments de Johee en Corée.
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